LAURE

Laure se souvient très bien de son premier repas chez Jules. Lorsqu'il lui a ouvert la porte, heureux de partager un dîner avec l'objet de toutes ses pensées, Laure s'est vue surprise par une terrible odeur de choux de Bruxelles. Etouffant à cause des relents de chou et de fromage fondu, Laure a demandé à Jules si elle pouvait ouvrir la minuscule et unique fenêtre de la cuisine. Elle a passé une demi heure, le nez dehors, pour éviter de sombrer dans l'inconscience. L'odeur lui semblait toxique.

Une fois à table, Jules lui a d’abord servi une entrée à base de camembert frit. Elle a souri, avant d'oser dire qu'elle goûterait, mais que ce n'était vraiment pas son truc. Ensuite il a déposé devant elle le plat de résistance, un magnifique gigot d'agneau accompagné de choux de Bruxelles. Mais là encore, elle trouvait les goûts trop forts et prononcés pour son palais délicat. Elle a avalé une bouteille de soda entière, pour offrir à son ventre grognant de faim l'illusion de la satiété. Laure a pensé, à juste titre, que Jules avait tout faux... mais puisqu'elle était polie, elle a souri et l’a remercié pour l'invitation, le dîner et surtout le soda.

Quelques jours plus tard, Jules a demandé à Laure si elle voulait "sortir avec lui". Elle a tiqué : quelle expression puérile dans la bouche d'un homme de 25 ans ! Or elle lui a répondu qu'elle ne savait pas trop... elle devait y réfléchir. Laure a évité Jules quelques semaines. Cela la gênait, de croiser son regard. Mais il fallait se rendre à l'évidence : il attendait une réponse, elle lui en devait une. Elle lui a donné rendez-vous un soir et lui a expliqué que c'était d'accord, ils pouvaient sortir ensemble. C'est alors que Jules a approché ses lèvres de celles de Laure. Elle a fermé les yeux, comme pour tout beau baiser d'amour et de cinéma, puis elle a senti l'appendice lingual de Jules tenter de pénétrer sa bouche. Elle l’a repoussé fermement, lui enseignant qu'un premier baiser doit être doux et tendre. Elle lui a laissé la chance de se rattraper... or Jules a réitéré l'expérience baveuse, fort désagréable aux dires de Laure.

Laure savait pertinemment - et ce depuis le premier repas - que Jules ne ressemblait en rien à l'homme de ses rêves, qu'il était maladroit au possible et qu'en plus, il portait des costumes taillés trois fois trop grands pour lui. Il était mignon, gentil, stable, plutôt intelligent et sociable. Il lui apportait des bouquets de fleurs, lui offrait des chocolats et d'autres cadeaux... elle a essayé d'avoir des sentiments amoureux pour lui... or, aujourd'hui, elle reconnaît n'avoir jamais ressenti de "flamme de l'amour" en sa présence. Elle ne lui trouvait aucun charme. Parfois, la nuit, elle rêvait de leur mariage, alors elle se réveillait en sueur, en sursaut et en panique.

Ils sont restés ensemble pendant 3 ans avant de se quitter. Laure affirme que si Jules avait été son meilleur ami, ils auraient sans doute créé plus de liens.

Laure révèle aujourd'hui que Jules était une pantoufle : elle se sentait bien avec lui, elle éprouvait du confort ; Jules était doux et il ne lui cassait pas les pieds. Elle ne pouvait pas faire une longue route chaussée ainsi, car les pantoufles, ça s'abîme vite. Depuis, Laure clame sa passion pour les escarpins. Elle est consciente que ces souliers élégants compressent les orteils, ou qu'elle risque de se tordre la cheville, perchée sur 8 centimètres de talons, toutefois elle se sent tellement plus grande, chic et féminine chaussée ainsi.