JEANNETTE

Jeannette dit qu’elle ne croit pas au mariage ; elle parle de Maman, mariée de force à 13 ans.  Maman, qui comme des millions de jeunes filles, est passée de la tutelle de son père à celle d’un mari qu’elle n’aimait pas. Maman, qui a réussi à s’échapper de ses premières noces pour se voir ensuite forcée d’épouser Papa, un homme de 15 ans son aîné, rencontré au Jardin Public de Bourges.

Jeannette ne croit pas au mariage, en revanche, elle croit en l’amour. Le véritable, l’absolu, l’inconditionnel ; l’amour, cette manière d’appréhender les gens sans poser de condition préalable. Jeannette raconte que Papa et Maman ont appris à s’aimer avec le temps et que lorsque Maman est partie, Papa a dit que le bon Dieu est à l’envers. C’est lui le plus âgé, lui qui a été blessé deux fois à la guerre ; Papa ne voit plus de raisons de vivre parce que Maman est partie. Il reste des photos de Maman, des journaux et le souvenir d’un amour précieux, que Papa souhaite garder près de lui.

En écoutant le chagrin de Papa, Jeannette a pensé qu’il est l’homme le plus amoureux qui soit et elle s’est souvenue des phrases qu’elle a elle-même prononcées au lendemain des attentats de Charlie Hebdo.

L’histoire d’amour de Jeannette et de Charb a fait la une des médias, on la lui conteste, elle trouve cela bizarre. A croire qu’en France, aimer n’est pas si naturel que cela. Jeannette a dû se justifier, comme s’il était impossible d’aimer quelqu’un qui ne vous ressemble pas, qui ne partage pas vos idées politiques. Et pourtant…

Avec Charb, elle disait qu’elle avait trouvé l’homme « du reste de sa vie ». Ils étaient complices : ils n’aimaient pas Georges Brassens, ils n’aimaient pas la chanson française, ils trouvaient ça surfait. Ils regardaient les Lapins Crétins, ils pouvaient manger des chips et des Granola, c’était ça qui les faisait rire en fait, des choses simples. Il reste des vidéos à Jeannette, où elle entend son rire se mêler à celui de Charb.

Jeannette confie que tout était facile avec Charb ; il disait toujours « C’est comme tu veux mon Amour ». Voilà ce qui est rare : quand la personne est capable de vous étonner,  de regarder un film avec Denzel Washington (juste parce que vous êtes folle amoureuse de Denzel Washington).
Voilà ce qui est précieux : c’est quelqu’un qui est capable d’aller chercher votre petite fille alors qu’elle a l’âme d’un tyran, quelqu’un qui est capable de l’emmener au jardin du Luxembourg, qui la pousse sur son tricycle quand vous, vous refusez de descendre, qui a la patience de lui apprendre à dessiner. C’est quelqu’un qui va vous faire votre café le matin et qui va vous l’apporter, quelqu’un qui fait ce genre de choses toutes simples.

Voilà ce qu’est l’amour : ce n’est pas plus, ce n’est pas moins.