ELISABETH & ROBERT

Dans les années 50, on organisait une grande fête pour chaque carnaval. C’était une sorte de bal pour les jeunes gens. Ils y venaient pour danser. Elisabeth avait 17 ans, elle accompagnait une amie. Elisabeth a dansé avec un dénommé Auguste ce soir-là, mais il ne lui plaisait pas. Elle a alors demandé à un autre jeune homme, qui lui plaisait davantage, s’il voulait bien valser avec elle. Il s’appelait Robert, il avait 16 ans et une belle moustache. Quand il a été temps de partir, après la soirée dansante, Robert a fait la bise à Elisabeth. Elle en a été toute troublée.

Elisabeth savait que Robert travaillait à la rue de la Course. Elle faisait donc exprès de prendre ce chemin pour rentrer chez elle, le soir, pour essayer de le croiser. Un jour, sur sa bicyclette, elle a aperçu Robert au loin. Elle l’a rejoint et ils sont rentrés ensemble, dans leurs maisons respectives. Depuis ce jour-là, ils ont continué à se rencontrer tous les soirs, en rentrant du travail.

Ils étaient amoureux mais n’avaient pas le droit de le dire. Ils se cachaient de leurs parents, et cela leur arrivait même de se retrouver au beau milieu des champs de maïs pour partager un petit moment d’intimité. Ils se sont vus en secret pendant un an. C’est alors que Robert a dû partir au service militaire, à Fréjus, puis en Afrique pendant deux ans. Elisabeth est restée seule en Alsace, elle ne voyait plus grand monde : « Quand on commence à fréquenter un garçon, on n’a plus d’amies ». Elle est allée vivre chez sa grand-mère et recevait sans cesse des lettres de son Robert.

Elle a attendu Robert, elle a travaillé et pris des cours du soir pendant cette période. Quand il est rentré, il ne savait plus où il en était et s’il était encore amoureux d’elle. Elle se sentait malheureuse, mais elle n’a pas bronché. Elle savait qu’il avait besoin de temps. Un dimanche, il est revenu, comme si de rien n’était. Rien n’avait changé entre eux, ils n’avaient jamais cessé d’être amoureux.

Ils se sont mariés, ont eu des enfants, des petits-enfants.

En songeant à leur passé, Elisabeth et Robert disent qu’ils ont eu beaucoup de chance de se trouver : heureusement, ajoutent-ils, qu’ils étaient de la même religion. Ca avait son importance, à l’époque. Robert pense que si Elisabeth avait été protestante, tout aurait été plus compliqué. Ils en rient aujourd’hui, ça leur paraît bien loin des préoccupations des jeunes, mais c’était comme ça, à l’époque.